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Votre brosse à dents connectée vous espionne-t-elle ?
Objets connectés, IoT, Web 3.0, Big Data… Autant de termes à la mode dont le sens réel nous échappe mais qui nous donnent une si belle contenance lors d’un déjeuner dominical.
Malheureusement, derrière cette façade se cache une réalité bien plus inquiétante. Mais avant d’épiloguer sur la dangerosité de la donnée non contrôlée, une petite mise au point s’impose : c’est quoi ces bizarreries dont on aime tant parler ?
L’IoT semble être le terme le plus large, englobant les autres domaines cités. L’Internet of Things, ou Internet des Objets, est une notion apparue dans la dernière décennie et bouleversant notre vision actuelle du Web. Brisant la barrière entre le réel et le virtuel, l’Internet of Things intègre le partage massif de données dans nos objets du quotidien. Brosse à dents connectée, montre connectée, oreiller connecté ou plus sérieusement pacemaker connecté, les objets connectés envahissent notre monde et donnent une toute nouvelle dimension à notre quotidien. Des programmes intégrés à ces objets nous nous fournissent des données auparavant inaccessibles et nous facilitent la vie en intégrant des commandes vocales par exemple. Cependant, on parle bien ici d’échange de données et non de transfert unilatéral, et on comprend vite que notre contrôle sur la transmission extérieure de ces données atteint vite ses limites.
« Mais quel danger pour moi qui n’ai rien à cacher ? » me direz vous. Ici apparaît le problème majeur de ce type de technologies : l’ignorance collective de la puissance sous-jacente de la donnée. Une liste de course dictée ne révèle pas seulement le contenu de votre assiette pour les six prochains jours, mais peut être traitée afin de déduire votre âge, votre état de santé, vos émotions mais aussi la taille de la pièce dans laquelle vous vous trouvez, le nombre de personnes dedans, les matériaux composant les murs…
Plus anecdotique mais tout aussi inquiétant, ces objets aux connections infinies et invisibles sont trop souvent vulnérables aux attaques à distance. Bien qu’une brosse à dent hackée ait peu de répercussions mis à part une frayeur bucco-dentaire, on imagine facilement les conséquences que peut avoir un hack sur une enceinte capable de commander des centaines d’euros d’objets sur internet par simple commande vocale. Notre confiance sur la faculté de ce genre d’objets à nous identifier personnellement est bien souvent surestimée, comme l’ont montré les créateurs du dessin animé South Park qui, faisant scander Alexa et Ok, Google à leurs personnages, ont déverrouillé des centaines de millier d’enceintes dans des foyers américains.
L’IoT marque un tournant fantastique de notre ère, et révèle à nouveau le potentiel illimité du monde connecté. Mais c’est aussi notre rôle à nous, ingénieurs de demain, de mettre en garde sur les nombreuses dérives insoupçonnées liées à la complexité de ces technologies. Bien souvent cité, Orwell dans 1984 ne manquait pas de lucidité face au danger inhérent à un objet intrusif dans notre quotidien : « Le télécran recevait et transmettait simultanément. Il captait tous les sons émis par Winston au-dessus d’un chuchotement très bas. Naturellement, il n’y avait pas moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé. »